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34ème Moussem Culturel International d'Assilah

Samedì 30 Juin, 2012

Université d’été Al Mouatamid Ibn Abbad (27ème session)- Colloque “Les eaux effervescentes de la Méditerranée : crise au Nord et soulèvement au Sud”

Intervention du President Frattini au colloque “L’Union du Maghreb et l’avenir de la coopération avec les pays du Nord de la Méditerranée”

1. EXPLOITER LE MOMENTUM POSITIF

Les changements démocratiques dans les pays arabes ont crée une nouvelle et positive dynamique politique dans le Maghreb.

Je me réfère en particulier à:

• l’amélioration des relations entre le Maroc et l’Algérie (il y a eu de nombreux échanges de visites entre les ministres des deux pays dans les mois derniers) ;

• aux nouvelles relations entre la Lybie – post Ghaddafi et ses voisins ;

• à la revitalisation des initiatives de coopération régionale, parmi lesquelles l’Union pour le Maghreb Arabe (UMA), dont une importante réunion ministérielle a été organisée à Rabat le 18 février et dont un Sommet en Tunisie est prévu en Octobre ; le « 5+5 » qui a été relancé avec la réunion ministérielle de Rome (20 février ) en vue du Sommet au niveau des Chefs de gouvernement prévu à Malte en Octobre.

Ces développements positifs ne devraient pas nous surprendre : car l’ouverture politique à l’intérieur des pays concernés a permis l’établissement d’un climat politique plus amicale entre eux et a donc crée les conditions pour donner une nouvelle impulsion à la coopération et à l’intégration régionale.

Bien entendu, le changement de l’architecture régionale présente plusieurs défis. Il faut surtout mesurer ces perspectives régionales avec le fait que l’évolution politique dans chaque pays de la région est encore loin d’être réellement consolidée. La consolidation des processus politiques à l’intérieur de chaque pays est, certainement, une précondition importante pour le succès de toute initiative au niveau régionale.

Et pourtant, il faut à mon avis dès maintenant réfléchir sur les moyens de tirer profit de ce momentum positif dans la région du Maghreb, et essayer d’élaborer des visions ambitieuses pour développer soit les relations entre les pays du Maghreb, soit les relations entre cette région et l’Europe : une vision qui pourrait répondre aux attentes des peuples de la région et promouvoir un véritable rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée visant à renforcer réciproquement leur cohésion dans un contexte inclusif et intégré.

2. L’EXPERIENCE EUROPEENNE, LA GLOBALISATION ET LA CREATION D’UN « NOUVEAU ORDRE » ECONOMIQUE MAGHREBIN

Nous sommes partis dans l’Europe occidentale de l’intégration économique, car nous pensions que cette intégration nous aurait permis d’achever dans le futur l’intégration politique. La globalisation et l’interdépendance économique ont rendu la coopération et l’intégration économique une nécessité inéluctable. Aucun Etat ne peut aujourd’hui aborder seul les problèmes de la croissance économique et de la compétitivité. Et à ce propos, on peut tirer leçon de l’actuelle crise de l’Eurozone. On a du mal a surmonter cette crise car, malgré les progrès faits avec l’Acte Unique et la monnaie commune, les économies européennes ne sont pas encore suffisamment intégrées. Et ce « déficit d’intégration » crée vulnérabilité face aux marchés financières et limite les opportunités de croissance économique. Le paradigme est donc complètement changé. Pour résoudre les problèmes économiques l’Etat national ne suffit pas : on peut aborder ces problèmes seulement dans une logique d’intégration et de partage de souveraineté. Les résultats du Conseil Européen de jeudi 28 Juin sont très encourageants dans cette direction.

Je crois qu’il faudrait partir de ce changement de paradigme même ici dans le Maghreb. Afin de réaliser une nouvelle vision régionale «Maghreb – led» on doit avant tout avancer sur le plan de l’intégration économique. Croissance et développement demeurent les priorités fondamentales de toute société. La relance de la dimension économique de l’Union pour le Maghreb Arabe (UMA) représente donc une condition nécessaire pour renforcer la croissance dans la région et donner un nouvel élan à la compétitivité de vos économies.

Vous le savez mieux que moi: la faiblesse des relations commerciales inter maghrébines a été jusqu’à aujourd’hui un véritable handicap pour la croissance dans la région. La plupart du commerce des pays du Maghreb aujourd’hui se dirige vers l’Europe, alors que le commerce vers les autres pays de la région est négligeable. Seulement le 3% de l’export algérien se dirige vers les pays du Maghreb. La situation est presque la même dans le cas du Maroc et de la Libye. La Tunisie représente une exception (11%). Ce déficit d’intégration régionale et la « dépendance » excessive du commerce avec l’Europe a malheureusement rendu le Maghreb plus vulnérable en face de la crise de croissance de l’Eurozone.

J’en suis convaincu : la promotion d’une économie maghrébine plus intégrée, l’intensification des échanges commerciaux et des investissements intermaghrébins, une majeure et progressive convergence des économies pourraient devenir le véritable « game changer» pour le futur économique du Maghreb.L’intégration attire plus d’investissements étrangers et peut générer les capitaux nécessaires pour la construction d’infrastructures qui, à la fois, renforcent davantage l’intégration économique et créent d’ultérieurs opportunités économiques.

La réunion ministérielle de l’UMA de Rabat de février a déjà fixé des objectifs très importants pour relancer l’intégration régionale au Maghreb.

Je crois que en poursuivant ces objectives d’une façon concrète on peut poser les bases pour créer un «nouvel ordre économique maghrébin». Je suis convaincu que une majeure intégration régionale peut aider à aborder d’une façon plus efficace les problèmes de la jeunesse liés au chômage. Le problème de l’emploi constitue une des préoccupations majeures, et pas seulement au Maghreb… Il ne faut pas oublier que les jeunes et le manque d’opportunités ont joué un rôle dans les révoltes arabes. Donc, plus d’intégration économique régionale pourrait signifier même plus de stabilité sociale. Je pense aussi que au – delà des gouvernements et des parlements il faudrait activement engager les jeunes, les acteurs économiques et la société civile dans ce projet d’intégration régionale.

3. UNE PLUS ETROITE INTEGRATION ENTRE L’UNION EUROPEENNE ET L’ITALIE

Le processus d’intégration intermaghrébine peut et doit marcher du même pas avec une majeure intégration entre l’Union Européenne et l’Union maghrébine (UMA).

Je crois qu’il faut être ambitieux. Le moment positif dans la région du Maghreb, d’un côté, et la logique de l’intégration dictée par la crise économique globale, de l’autre, nous donnent aujourd’hui une opportunité historique pour réaliser un saut qualitatif dans les relations entre l’Europe et le Maghreb.

Il faudrait envisager à mon avis la création d’espaces communs entre l’Union européenne et le Maghreb (UMA) : un espace économique commun entre les deux zones (au delà donc des accords bilatéraux de libre échange existant ou en train d’être négociés entre chaque pays et l’UE), un espace humain commun (qui, à partir des « accords de mobilité » qui sont en cours de négociation avec chaque pays pourraient aboutir, progressivement, à une « plus possible libre » circulation des personnes avec une politique européenne plus ouverte sur les visas; un espace culturel commun, avec un programme ambitieux d’initiatives pour améliorer la connaissance réciproque, intensifier les échanges entre les universités, les sociétés civiles, le monde de l’art et de la culture; un espace sécuritaire, dans lequel les pays européennes et maghrébins puissent partager leur stratégies et leur instruments pour lutter contre les menaces communes, voir le terrorisme, la piraterie, les trafics illégaux.

On pourrait donner un chapeau politique à ce projet des espaces communs avec la structuration des relations institutionnelles entre l’UE et l’UMA, à travers des Sommets annuels et des réunions régulières au niveau des Ministres des affaires étrangères.

Je crois que le format du « 5+5 », dans lequel l’Italie joue un rôle essentiel, peut donner une impulsion décisive à l’intégration entre l’UE et l’UMA. Le « 5+5 » peut devenir le véritable «noyau dur» du rapprochement antre l’Europe et le Maghreb. Celle-ci devrait devenir de plus en plus sa vraie «mission».